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Khalifa Ababacar Sarr, géographe: « Une société publique à caractère industriel est nécessaire pour mieux gérer les déchets »

Rédigé par leral.net le Mardi 15 Juin 2021 à 22:45 | | 0 commentaire(s)|

Le géographe, spécialiste de l’aménagement du territoire et de la gestion de l’espace, Khalifa Ababacar Sarr, a été le gestionnaire de la base de données du système d’information géographique de l’Unité de coordination et de gestion des déchets solides (Ucg). Dans cet entretien, il recommande la mise en place d’une société publique à caractère industriel […]

Le géographe, spécialiste de l’aménagement du territoire et de la gestion de l’espace, Khalifa Ababacar Sarr, a été le gestionnaire de la base de données du système d’information géographique de l’Unité de coordination et de gestion des déchets solides (Ucg). Dans cet entretien, il recommande la mise en place d’une société publique à caractère industriel et commercial afin de mieux assurer la collecte, le conditionnement et la valorisation des déchets. 

Quel regard portez-vous sur la gestion des déchets au Sénégal ? 

Le territoire national, malgré les multiples tentatives et expériences des autorités publiques (centrales et territoriales) et des Partenaires techniques et financiers, reste, hélas, marqué par une prolifération de dépôts  (sauvages) de déchets solides et assimilés. Le diagnostic a établi que les causes profondes de ces disfonctionnements sont d’ordre institutionnel et règlementaire, économique et financier, organisationnel et technique et enfin socioculturel. Aujourd’hui, c’est sur ces leviers qu’il faut appuyer pour solutionner durablement la gestion des déchets solides qui fait partie des problèmes d’envergure nationale les plus récurrents. Au regard de ce diagnostic, il nous faut agir vite. Mais surtout agir méthodiquement en commençant par définir une politique adaptée et efficace de gestion intégrée et durable des déchets solides. C’est dans cette perspective que l’État du Sénégal a élaboré et mis en œuvre le Programme national de gestion des déchets (Pngd), en vue d’aider les collectivités territoriales dans la mise en place progressive de dispositifs performants et pérennes de gestion des déchets solides.

Qu’est-ce qui justifie l’élaboration d’un nouveau plan stratégique par le Sénégal ? 

Aujourd’hui, l’État du Sénégal a élaboré un plan stratégique qui définit une vision commune, des orientations partagées, un système d’informations intégré de gestion, un cadre de mise en œuvre participatif, efficace et efficient, un dispositif de suivi-évaluation. Cela réaffirme une volonté de valoriser les déchets pour la création de richesse et d’emplois. Le développement durable a un caractère multisectoriel. Il nécessite des efforts importants de mise en cohérence entre des buts contradictoires et différents espaces. Cependant, l’examen des politiques publiques de développement montre que celles-ci sont menées de façon disparate. Il y a, en effet, un manque de coordination attribuable essentiellement à un déficit d’informations permettant de formuler, avec précision, des actions à mener sur le territoire.

Le gouvernement a annoncé la création d’une nouvelle société chargée de gérer les déchets. Quelle sera la conséquence de l’instabilité institutionnelle sur la gestion des déchets ? 

Revenons sur l’historique de la gestion des déchets au Sénégal. De 1960 jusqu’en 1971, nous avions une régie municipale directe assurée par la Commune de Dakar (Dakar, Pikine, Rufisque) qui prenait en charge la gestion des déchets dans le territoire sauf dans les quartiers de la Sicap et des Hlm qui disposaient de leur propre service. Entre 1971 – 1984, l’autorité a fait une concession du service à un privé (Soadip) pour la région de Dakar hors Hlm et Sicap avec exploitation par affermage d’unités industrielles de compostage des bio-déchets (60 00T/an). Suivra la régie municipale par la Communauté urbaine de Dakar (Cud), avec l’appui du génie militaire pour la période allant de 1984 à 1985. Celle-ci sera remplacée par la Société d’économie mixte (Sias : Société industrielle et d’aménagement du Sénégal), entre 1985-1995, avec une participation majoritaire de l’État du Sénégal accompagné d’autres actionnaires comme Hlm, Sicap, Ipres, Css et un privé sénégalais.

Entre 1995-2000, Cud/Agetip prend le relais en s’appuyant sur des Pme sénégalaises et les associations et mouvements de jeunes de la Communauté urbaine de Dakar (Camcud). C’est après que la Haute autorité pour la propreté de Dakar (Prodak) a vu le jour et s’occupait de la gestion des déchets entre 2000-2001. La Prodak sera supplantée par l’Agence pour la propreté de Dakar (Aprodak) pour la période 2001-2006. Cette société assurait la maîtrise d’ouvrage du programme de gestion des déchets solides urbains de la région de Dakar et une concession  a été faite à un prestataire privé italien {Agence municipale d’assainissement (Ama-Sénégal)} pour la collecte, le nettoiement et le traitement des déchets. Nous avions aussi une période transitoire allant de 2006-2011 avec l’entente de la Communauté des agglomérations de Dakar et la communauté des agglomérations de Rufisque (Cadak-Car)/Ministère de l’Environnement et de la Protection de la nature qui s’appuient sur Veolia, des concessionnaires privés sénégalais et le personnel hérité de Ama-Sénégal. Mais il faut le souligner, entre 2013-2015, l’entente Cadak-Car a repris le service suite à la promulgation de la loi n° du 28 décembre 2012, supprimant la Société pour la propreté du Sénégal (Soprosen). De 2015 à nos jours,  la gestion est confiée à l’Unité de coordination de gestion des déchets solides (Ucg). Jusque-là, l’Ucg apparait ainsi, par son expérience en gestion des déchets, comme la structure la mieux préparée pour mener à bien cette importante mission. Dans cette perspective, il est apparu nécessaire de renforcer le statut juridique de l’unité en la transformant en Établissement public à caractère industriel et commercial (Epic). Ceci dans une double perspective : d’une part la professionnalisation du secteur, d’autre part la valorisation / industrialisation des déchets.

Il s’y ajoute que si les subventions de l’État constituent l’essentiel des ressources financières de l’Ucg, aussi bien pour son fonctionnement que pour les investissements, il demeure qu’un établissement public à caractère industriel et commercial est appelé à générer ses propres ressources pour son bon fonctionnement. De ce fait, il est prévu une participation financière des acteurs intervenant dans la collecte et le dépôt des ordures pour l’autofinancement de l’Ucg et la construction d’infrastructures adéquates destinées à la valorisation des déchets. Le projet de décret, annoncé depuis des années déjà, modifiera, surement, le statut juridique de l’Ucg en l’érigeant en établissement public à caractère industriel et commercial et fixera ses règles d’organisation et de fonctionnement. L’Ucg est placée sous la tutelle technique du Ministre chargé de l’Hygiène publique et sous la tutelle financière du Ministre chargé des Finances.

Le gouvernement du Sénégal a initié, depuis bientôt une dizaine d’années, un important projet du Programme de gestion des déchets solides urbains (Pgdsu) avec la mise en place des centres intégrés de valorisation des déchets solides et assimilés (Civd). En amont, il y a aussi les points de regroupement normalisé (Prn), les centres de traitement et de tri (Ctt), les Centres de rassemblement et de commercialisation (Crc), les Centres d’enfouissement technique (Cet), etc. Le Projet de promotion de la gestion intégrée et de l’économie des déchets solides au Sénégal (Promoged) est la seconde phase du Programme national de gestion des déchets (Pngd) qui a été défini en 2014. Le Promoged couvre quatre pôles : Grand Dakar, centre (Thiès, Mbour et Tivaouane), nord (Saint-Louis et Matam) et sud (Casamance : Ziguinchor, Kolda, Sédhiou).

Propos recueillis par Idrissa SANE



Source : http://lesoleil.sn/khalifa-ababacar-sarr-geographe...